CHARITÉ (iconographie)

CHARITÉ (iconographie)
CHARITÉ (iconographie)

CHARITÉ, iconographie

La Charité est une des trois vertus dites théologales. Dans sa première Épître aux Corinthiens (chap. XIII, verset 13), saint Paul a posé les bases de la conception de cette vertu sans laquelle ni le plus sublime des savoirs ni les meilleures actions ne sont rien: «Bref, la foi, l’espérance et la charité demeurent toutes les trois, mais la plus grande, c’est la charité.» Pour saint Jean (Ire Épître), la charité se trouve aussi au cœur même de la relation fondamentale qui lie l’homme à Dieu et d’où découle naturellement l’amour du prochain. Les innombrables auteurs chrétiens qui ont écrit sur les vertus, de la Psychomachie de Prudence — où la Charité livre un combat réglé contre la Cupidité — (déb. Ve s.) au Traité de l’amour de Dieu de saint François de Sales (1616), n’ont fait que renforcer ces notions: fondée en Dieu (par où elle s’oppose à l’amour humain, fruit du désir), elle est dévouement à autrui. Vertu du cœur, elle s’exprime de façon privilégiée dans les sept œuvres de miséricorde dont l’iconographie a favorisé la distinction: nourrir les affamés, désaltérer les assoiffés, vêtir les démunis, soigner les malades, accueillir les pèlerins, visiter les prisonniers, ensevelir les morts (frise de l’hôpital del Ceppo à Pistoia par l’atelier des della Robbia, tableaux de Sébastien Bourdon à Sarasota, etc.). La représentation de la Charité a connu des mutations selon les époques et les tendances artistiques et idéologiques. Dans les compositions médiévales, elle figure parfois sous les traits d’une guerrière, son étendard portant l’image du pélican dont on pensait qu’il donnait sa chair à manger à ses petits. Le pélican entouré de sa progéniture surmonte nombre de crucifix italiens du XIVe siècle et a servi d’emblème à des institutions caritatives (blason de la Vieille Charité de Marseille fondée au milieu du XVIIe s.). La Charité a longtemps été une image assez intellectuelle comportant les attributs de ses différents aspects: un cœur enflammé en sa main ou la tête couronnée de flammes pour indiquer l’amour brûlant qu’elle voue au Créateur et aux hommes, une corne d’abondance (Andrea Pisano) ou un déploiement de fleurs et de fruits l’entourant (F. Floris, XVIe s.), un arbre chargé de fruits (gravure d’Holbein le Jeune) ou une bourse renversée pour signifier les bienfaits de sa générosité. Ce n’est semble-t-il pas avant le XIVe siècle (Tino di Camaino au baptistère de Florence) qu’apparaît l’image synthétique de la femme allaitant et protégeant des enfants; ce fut pourtant cette image exprimant de la façon la plus tendre et naturelle le don de soi qui prévalut en Europe durant la Renaissance et l’âge baroque, de Raphaël à J. Blanchard, de P. de Champaigne à Van Dyck. À partir du XVIIe siècle, cependant, les images allégoriques de la Charité sont concurrencées par des «exemples» mettant en scène de nombreux saints charitables dont certains récemment canonisés, Charles Borromée, Thomas de Villeneuve, par exemple; ou par le thème de la Charité dite romaine montrant, selon une légende relatée par Valère-Maxime, la jeune Grecque Pero allaitant son père Cimon condamné à mourir de faim en prison. Les images traditionnelles de la Charité tendent parallèlement à se rapprocher, par leur allure familière, de la scène de genre, voire du portrait familial (Reynolds, Lady Cockburn et ses enfants ). En dehors des innombrables décors et illustrations où la Charité appartient à un ensemble ou à une série de vertus personnifiées (gravures de Marcantonio Raimondi, par exemple, de Lucas de Leyde, de H. Goltzius, de Martin de Vos), il est intéressant de voir dans quel contexte s’inscrivent ces figures. À la basilique d’Assise, dans l’allégorie de la Pauvreté de Giotto, la Charité offre son cœur au Christ qui marie saint François et dame Pauvreté. Dans l’allégorie du Bon Gouvernement d’A. Lorenzetti au palais Public de Sienne, la Charité est la figure le plus haut placée, volant au-dessus de la tête du vieillard incarnant le Bien commun. Dans le triomphe de saint Thomas d’Aquin à Santa Maria Novella de Florence, elle est également à la place d’honneur, dominant le trône de saint Dominique. À côté de ces «sommes» religieuses ou laïques, la Charité occupe une place privilégiée dans un grand nombre de monuments funéraires de la Renaissance ou de l’âge baroque où elle affiche la vertu prêtée au défunt, noble ou ecclésiastique. Image emblématique sculptée sur la façade ou présente sous forme de statue ou de peinture dans des édifices variés: églises, couvents, hôtels de ville, hospices, confréries, comme la scuola di Santa Maria della Carità de Venise, la Charité est à la fois une enseigne pour les indigents secourus et un rappel pour les puissants et les nantis. D’un point de vue plastique, la Charité se présente selon divers types nés de contaminations avec les schémas formels de Vierges à l’Enfant, de Vénus avec Cupidon et de la Terre nourricière (Tellus de l’Ara Pacis Augustae , dont la Charité de Jean Cousin à Montpellier est une dérivation nette). Il en existe toute une lignée, où la Charité est assise de face, accompagnée de trois enfants ou plus, s’inscrivant dans un schéma pyramidant: fresque de Filippino Lippi à Santa Maria Novella, toiles d’Andrea del Sarto au Louvre et d’Heemskerck au Kunsthistorisches Museum à Vienne, enluminure de Giulio Clovio pour le Livre d’heures d’A. Farnèse, etc. Une autre lignée montre la Charité debout, un enfant ou deux dans les bras, d’autres lui faisant escorte: Sodoma, Brescianino à la pinacothèque de Sienne, Sarto au cloître du Scalzo à Florence, Germain Pilon au Louvre. Au XVIe siècle, le thème se prête à des inventions virtuoses et élégantes, florentines (Salviati, Vasari) ou bellifontaines (dessins de Rosso et de Primatice, tableau anonyme du Louvre).

Après un certain déclin, la Charité, orthodoxe ou philanthropique, connaît au XIXe siècle un regain de créativité dans une certaine forme de peinture officielle.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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